Créée en 1991, l’Apac29, qui est jusqu’à alors un atelier protégé, devient en 2005 une entreprise adaptée à la suite de la loi du 11 février qui a énoncé le principe du droit à compensation du handicap et l’obligation de solidarité de l’ensemble de la société à l’égard des personnes handicapées. L’entreprise adaptée ne fait dès lors plus partie du secteur protégé, mais relève du « milieu ordinaire du travail » et devient ainsi une entreprise classique, mais avec des particularités, dont celle de la reconnaissance de ses droits à compensation. Ces droits à compensation, qui visent à compenser les conséquences du handicap et à soutenir l’emploi des travailleurs handicapés, consistent principalement à des aides financières qui sont attribuées par l’État aux entreprises adaptées pour mener à bien leur mission dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens signé avec l’État.
L’Entreprise adaptée est bel et bien un acteur économique du secteur marchand concurrentiel à part entière. Du fait de sa vocation d’inclusion socioprofessionnelle, elle intègre aussi le groupe des acteurs de l’économie sociale et solidaire.
La mission des entreprises adaptées est d’employer des personnes en situation de handicap (travailleurs bénéficiaires de la reconnaissance de la qualité de travailleurs handicapés – RQTH), mais aussi les personnes les plus éloignées du marché du travail, selon les critères retenus par l’arrêté du 18 février 2019.
Par ailleurs, l’article L5213-13-1 du Code du travail définit la mission des entreprises adaptées : « Elles permettent à leurs salariés d’exercer une activité professionnelle dans un environnement adapté à leurs possibilités, afin qu’ils obtiennent ou conservent un emploi. Les entreprises adaptées mettent en œuvre pour ces salariés un accompagnement spécifique destiné à favoriser la réalisation de leur projet professionnel, la valorisation de leurs compétences et leur mobilité au sein de l’entreprise elle-même ou vers d’autres entreprises. »
Les entreprises adaptées sont soumises à un agrément délivré par le préfet de région et sont soumises à un suivi ainsi qu’à un accompagnement de la part de la Dreets (direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités), qui remplace depuis mai 2021 la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de
l’emploi).
L’entreprise adaptée est un modèle de l’économie solidaire et de l’entrepreneuriat social. À partir de ses réalisations et de ses pratiques innovantes, elle peut apporter des exemples de marche à suivre, tant dans le domaine du management qu’en termes d’utilité sociale (bien-être collectif, développement durable, innovation…) et bien entendu dans celui de la lutte contre l’exclusion et contre le chômage des travailleurs handicapés.
Si la notion d’économie sociale et solidaire date du XIXe siècle, son essor « moderne » est considérable dans tous les domaines de la société. Celle-ci n’est désormais plus uniquement régie d’un côté par le développement des richesses (porté par l’économie de marché), et de l’autre côté, par le maintien de la cohésion sociale assuré par l’État.
Une troisième voie existe et elle consiste à réinsérer des liens sociaux au sein même de l’activité économique en créant de nouveaux modèles d’entreprises que sont les entreprises à vocations sociale et solidaire. Les entreprises adaptées représentent cette nouvelle voie pour l’emploi des personnes handicapées.
L’image de la personne handicapée est souvent stéréotypée ou réductrice. D’abord, parce que cette image collective ne tient pas compte que la notion de handicap recouvre une très grande diversité de situations (handicap psychiatrique, moteur, auditif, visuel, intellectuel, invalidant…).
Ensuite, parce que souffrir d’une déficience n’entraîne pas systématiquement une situation de handicap dans la vie professionnelle, puisqu’une déficience peut constituer un handicap dans certaines professions, alors qu’elle n’aura aucune incidence dans d’autres. Le handicap ne constitue pas forcément un obstacle à la compétence, à la motivation et à la créativité.
Être inclusif ne consiste pas à faire entrer et à insérer, coute que coute, un élément « extérieur » dans un ensemble préétabli en attendant de lui qu’il « se normalise », même si c’est contre sa volonté. Faire de l’inclusion ne consiste pas non plus à corriger (a posteriori) les dommages causés
par des iniquités ou des ostracismes.
Selon nous, être inclusif consiste à moduler un fonctionnement, à se montrer flexible pour offrir une place à chacun dans notre ensemble commun. Pour y parvenir, il ne s’agit pas de neutraliser voir de résorber les besoins, désirs et destins de chacun. Pour que ce modèle vive et puisse exister, notre entreprise adaptée doit être réaliste et procéder de façon permanente et ajustée à des
accompagnements, à des médiations compensatoires, à de modalités de suppléance ou de contournement.
On revient alors au coeur de la loi de 2005 en travaillant sur la compensation pour garantir l’accessibilité des dispositifs, des ressources et des services collectifs. Au sein de notre entreprise adaptée, chacun mérite une réponse accompagnée et doit, à sa mesure, pouvoir contribuer à la construction de cette réponse.
Dans son évolution et dans ses choix, l’Apac29 a mis en œuvre une vision inclusive pour ne pas laisser sur le bord de la route les femmes et les hommes en situation de handicap. Le fait d’avoir fait évoluer les métiers exercés dans l’entreprise a été déterminant. La création de la scierie en 1991, qui venait compléter le premier atelier de fabrication de palettes et d’emballages bois, n’était pas qu’une adaptation aux besoins de l’Apac29 compte tenu des réalités des évolutions de la filière bois (voir histoire).
L’intégration d’un second atelier, la scierie, était aussi la traduction de la mise en oeuvre de moyens d’accommodement et de la flexibilité de l’Apac29 qui, avec cette nouvelle activité, s’est offert de nouvelles possibilités d’ajustements qui ont été (et sont toujours) en mesure de répondre auxbesoins singuliers des travailleurs en situation de handicap, tout en leur offrant plus de variété dans les postes et métiers, ainsi qu’une évolution possible dans l’entreprise.
L’Apac29 est une entreprise inclusive parce qu’elle garantit l’accès à l’emploi, le maintien en poste et une évolution professionnelle aux personnes en situation de handicap, sur la base de l’égalité avec les autres.
À ses débuts en 1991, en cohérence avec les conditions de sa création, poussée par des cadres de l’IME de Kerlaz qui cherchaient à offrir des « débouchés » aux jeunes qui sortaient de la structure à l’âge de 20 ans (voir histoire), l’Apac29 s’est lancée avec une grande majorité de salariés plutôt jeunes. « L’ambiance était familiale et paternaliste, puis il a fallu se professionnaliser dans la gestion des ressources humaines », résume Gwénaël Tanguy, directeur de l’Apac29 depuis 1999. « Il a fallu structurer tout cela, car pour bon nombre de nos salariés, le travail est parfois le seul repère stable. L’entreprise et les encadrants ont alors une place importante. Ce sont même des éléments de stabilité. Pour nos salariés, on fait du sur-mesure, car le handicap est singulier », reprend Gwénaël Tanguy.
À l’Apac29, la gestion des ressources humaines se doit d’être intelligente et adaptée à la structure de l’entreprise. Parce qu’il n’y a pas de service de ressources humaines au sein de l’Apac29, l’entreprise s’appuie sur les interventions régulières d’une spécialiste de l’accompagnement socioprofessionnel qui possède une bonne connaissance du public en situation de handicap.
Présente dans l’entreprise toutes les semaines, cette professionnelle propose des rendez-vous personnalisés (à la demande des salariés ou de l’entreprise), comme des échanges informels. Dans le domaine de l’accompagnement professionnel, elle prépare les bilans avec les salariés avant de les partager de façon plus élargie (notamment avec le référent du salarié) et s’occupe
d’animer des réunions d’équipe.
Le rôle de cette spécialiste de l’accompagnement socioprofessionnel est aussi de proposer un accompagnement social qui s’étend au domaine privé. « Nos salariés ne sont pas toujours à l’aise avec les recherches d’informations ou des démarches qui demandent de maîtriser certains outils, comme l’informatique », précise Gwénaël Tanguy.
Courant 2021, l’Apac29 s’est engagée dans un CPOM (Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens de 5 ans renouvelables) avec la Dreets (direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités), ce qui va nécessiter de mettre en place une Gestion prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC). Pour cela, un poste dédié devra être créé à l’Apac29 de façon à suivre de façon précise, continue et complète le parcours de chaque salarié dans l’entreprise, notamment dans le domaine de la formation.
